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Le protée anguillard (Proteus anguineus)

J’ai eu la chance ,lors d’un voyage en ex- Yougoslavie en 1983 ,de voir cet étrange urodèle cavernicole dans la grotte de Postojna ,célèbre site spéléologique de la Slovénie actuelle .

Le château de Predjama ,construit dans un creux de la montagne ,qui signale l’entrée des grottes de Postojna .

Une vue (très partielle ) intérieure de la grotte principale et de ses concrétions calcaires .

Vues du Parc National de Plitiviče (Croatie )
Le protée est un animal aveugle ,qui ne vit que dans une aire extrêmement restreinte du relief Karstique ,montagnes calcaires truffées de cours d’eau souterrains et de grottes ,dans le prolongement Sud- Est de la chaîne alpestre.
Le Parc National de Plitiviče ,typique de ce genre de paysage ,que j’avais également visité à l’époque ,présente des chutes d’eau et des rivières d’une exceptionnelle clarté ,dans lesquelles on peut observer nombre de salmonidés (ombles ,truites arc-en-ciel…). Plitiviče est maintenant en Croatie ,et ses eaux de surface communiquent largement avec les rivières souterraines où vit le protée .
 
Proteus anguineus
Le protée se plaît dans des eaux très calcaires ,froides (5°C à 10°C ) et à faible courant ,pauvres en oxygène .Le Karst Dinarique fut le berceau de la biospéléologie ,c’est-à-dire de l’étude de la faune des cavernes ,dès le XVIIIe- XIXe siècles ,en particulier à travers les travaux de F. Schmidt ,le pays étant alors partie de l’Empire Austro -Hongrois .La première description du protée date de 1768 par LAURENTI ,puis le biologiste slovène J. Jeršinovič l’observe pour la première fois dans son biotope naturel dans la Grotte Noire (Črna jama ) en 1797 (I) .Il fut ainsi établi que le protée avait un ancêtre commun avec d’autres salamandridés de la faune locale ,mais qu’il s’était réfugié dans les grottes ,et avec l’évolution il s’était adapté ,perdant la vue (il demeure des yeux vestigiaux recouverts d’épiderme ) et sa pigmentation ,qui est d’un blanc légèrement rosé ,rappelant celle de l’axolotl (Ambystoma mexicanum ).

Contrairement à ce dernier ,le protée ne correspond pas à un stade néoténique ,les larves sont les reproductions miniatures des adultes et il n’existe pas d’autre « forme ».Il dispose d’un panache de branchies de chaque côté de la tête pour la respiration aquatique ,mais celles-ci sont moins développées que chez l’axolotl ,et hors de l’eau ,il dispose de sacs à air lui donnant un embryon de respiration pulmonée pour sa survie aérobie .Il a de toute façon besoin de remonter régulièrement à la surface pour respirer à l’air libre ,faute de quoi il se noie ,des expériences scientifiques ont été menées dans ce sens (II) .

Collemboles ,isopodes ,pseudo- scorpions ,crevettes d’eau douce ,araignées ,tous représentants spécifiques de la faune cavernicole composent son menu ,la bouche est d’ailleurs proportionnellement à la tête très petite .On a dénombré pas moins de 132 espèces exclusivement cavernicoles ,principalement des invertébrés dont se nourrit le protée ,dans la seule grotte de Postojna .En dehors de ce site ,où quand j’ai pu l’observer on en montrait des spécimens vivants dans des bassins peu profonds à l’intérieur de cette grotte fortement concrétionnée ,on le trouve dans quelques localités près de Trieste en Italie ,en Istrie (Croatie ),dans le Karst Croate non loin des côtes Dalmates ,peut-être dans quelques localités d’Autriche ,mais surtout en Slovénie .

C’est un animal rare et strictement protégé ,interdit de collecte ,de transport,de vente et de capture sauf dérogation au profit d’une institution scientifique ,et ceci dans tout pays .

L’animal présente un corps long et grêle ,sa longueur totale oscille entre 250 et 320 mm.La queue ,aplatie latéralement comme celle de nos tritons ,mais proportionnellement plus courte ,sert à la propulsion et à la direction .Les pattes sont grêles et petites ,peut- être amenées à disparaître avec l’évolution future de l’espèce ,et les doigts sont minuscules .Ses yeux sous-cutanés ne sont capables que de discerner l’ombre et la lumière ,par contre la peau est munie de capteurs sensoriels lui permettant de localiser les proies avec précision .

Il arrive parfois ,lors d’orages et de fortes pluies ,que des protées soient rejetés hors de leurs grottes (il existe une cinquantaine de grottes répertoriées comme hébergeant cette espèce ) et ils se terrent alors dans les parties profondes et sombres des ruisseaux ,supportant mal la lumière du jour .(II)

Sa reproduction est également singulière :soit les femelles optent pour la viviparité et mettent au monde des petits déjà formés d’environ 1 cm de long ,généralement 2 petits par portée ,soit ils pondent des œufs selon le mode typique de reproduction ovipare des autres urodèles .Il n’a pas été clairement déterminé ce qui déclenchait tel ou tel mode de reproduction .

Sa maintenance en laboratoire est problématique ,il a besoin d’une eau constamment froide ,au pH basique et fortement chargée en calcaire et en divers minéraux ,et il est fort probable que quiconque se risquerait illégalement à la maintenance du protée dans le cadre d’une terrariophilie de « loisir » éprouverait de grandes difficultés d’acclimatation ,ainsi que pour le nourrissage .Bien entendu ,nous ne cautionnerons pas ici de telles pratiques .

Un animal voisin et très peu connu ,autre urodèle cavernicole ,est la salamandre aveugle du Texas Eurycea rathbuni ,à l’aspect encore plus irréel d’ « alien » dont voici quelques photos ,l’espèce elle aussi est menacée et n’est présente que dans quelques grottes de l’état du Texas .
 
Eurycea rathbuni
L’ex –Yougoslavie a dû (malheureusement) bien changer depuis mon voyage en 1983 ,mais les grottes de Postojna se visitent toujours ,elles sont d’ailleurs magnifiques ,et les protées sont toujours visibles par les touristes .Si vous passez par ce coin d’Europe ,ne manquez pas de faire un détour par le Karst slovène et croate ,les paysages autant que l’architecture valent vraiment le détour .

Bibliographie :
(I) Dr. HABE Francè ,Postojnska Jama ,La Grotte de Postojna ,Traduction française de N. Kuret ,Postojna ed. 1981
(II) V. LAŇKA ,Z. VĺT, J. et L. KNOTEK ,Reptiles et Amphibiens ,Gründ ,1985 ,Prague et Paris

©Hervé Saint Dizier /Thorrshamri ,Novembre 2006 .